Ilyas partage son point de vue sur le rôle important du soutien par les pair.es dans sa poursuite du rétablissement.
Comment se fait-il que certaines personnes nous comprennent tandis que d’autres nous déplaisent simplement, quel type de personne peut réellement comprendre ce que nous avons vécu et comment pouvons-nous trouver des personnes qui sont mieux adaptées à ce rôle?
Dans ce billet, je vais démontrer l’importance du soutien par les pair.es dans les services d’intervention précoce pour répondre à ce besoin.
Commençons avec une définition de base du soutien par les pair.es. Le document Le soutien par les pairs : une nécessité de la Commission de la santé mentale du Canada définit le soutient par les pair.es comme « tout soutien organisé offert par et pour des personnes ayant des problèmes de santé mentale ou des maladies mentales » et quoique cela constitue un bon point de départ, je crois qu’une certaine élaboration est de mise. Dans les services d’intervention précoce en psychose (IPP), un.e pair.e aidant.e est plus qu’une personne qui a traversé des situations similaires dans son parcours en santé mentale. Elle est aussi formée pour soutenir la personne qu’elle écoute. Autant que « pauvre est le charpentier qui n’a pas d’outil », un charpentier doit aussi savoir comment utiliser ces outils; une personne qui a plein d’expérience vécue mais ne sait pas comment utiliser ses expériences pour connecter avec quelqu’un d’autre peut aussi bien faire plus de mal que de bien.
La base de toute relation entre les pair.es n’est que cela, la relation. L’article de revue Peer support among persons with severe mental illnesses: a review of evidence and experience de Davidson nous démontre que les services offerts par les pair.es produisent de meilleurs résultats en termes d’engagement des client.es difficiles à rejoindre, de réduction des taux d’hospitalisation et de jours d’hospitalisation, d’une diminution de la consommation de substances par les personnes ayant des troubles de consommation concomitants, et ce uniquement pour les postes où le/la pair.e est dans une position conventionnelle de santé mentale. Le fait d’avoir une personne qui a eu des expériences similaires augmente la capacité de quelqu’un à faire preuve d’empathie envers une autre personne dans une situation semblable. Cette personne n’a pas à s’imaginer l’expérience de vivre une psychose, elle peut simplement penser à quand cela lui arrivait. Le même article décrit comment l’idée alors (et parfois encore) répandue d’un « traitement moral » dans les anciens hôpitaux psychiatriques a été démantelée en partie en engageant des personnes ayant de l’expérience vécue :
« Autant que possible, tous les servants sont choisis parmi les patients en santé mentale. Ils sont sans doute mieux adaptés à ce travail exigeant parce qu’ils sont habituellement plus doux, honnêtes et humains » – Jean Baptiste Pussin, dans une lettre à Philippe Pinel en 1793
Qu’en est-il alors du contexte de nos jours? Ne sommes-nous pas différent.es des brutes de l’histoire? Et bien, dans une étude parue en 2017 intitulée Exploring the impact of peer support in early intervention in psychosis, il semble que des méthodes similaires pourraient guérir notre « folie » actuelle. Dans une analyse qualitative du soutien par les pair.es dans des contextes d’IPP, les chercheur.es ont constaté que [le soutien par les pair.es] dans le [service d’IPP] actuel était lié à une amélioration de l’engagement dans les services et une meilleure compréhension entre les fournisseurs.euses de services et la clientèle, qui à leur tour étaient liés à de meilleurs résultats pour la clientèle (telle une réduction de la durée de la psychose non traitée). En d’autres termes, de pouvoir comprendre la personne qui est assise devant eux/elles leur a permis de mieux les impliquer dans leurs soins et de minimiser la durée pendant laquelle les personnes n’ont pas pu obtenir de traitement pour leur maladie.
Maintenant, j’ai beaucoup parlé de psychose et de soutien par les pair.es et c’est très beau tout ça, mais pourquoi devriez-vous vous en soucier? Quelle expertise ai-je pour écrire à ce sujet? Ma réponse : de l’expérience vécue.
J’ai reçu le diagnostic d’un premier épisode de psychose à l’âge de 20 ans et ai eu la chance d’être référé à une équipe d’IPP. En fait, trois pour être exact. Les deux premières étaient des services conventionnels avec des clinicien.nes qualifié.es ayant plusieurs années d’expérience, mais dans la troisième, j’ai rencontré une paire qui avait traversé des étapes semblables aux miennes et qui a pu m’aider à me remettre en contexte dans la société. Au final, il n’y a pas de chose singulière qui a tout amélioré pour moi, aucune chose qui m’a « guéri », mais il y a eu une personne qui m’a montré par son existence même que ma vie n’était pas finie simplement parce que j’avais vécu un épisode de psychose. Et cette personne était ma paire aidante.
Ilyas Khamis, Conseiller jeunesse, Examiner le lien